Récollection de la Vie consacrée 2020
Ce témoignage a été accueilli dans un grand silence et nous retiendrons les quatre phrases qui synthétisaient la vie de chacun de ces martyrs, comme une invitation à relire notre vie à la lumière de ces quatre paroles :
- Celle de Mgr Angelleli, tout d’abord, qui disait souvent à ses prêtres et aux fidèles de son diocèse : « Ayez une oreille collée à l’Évangile et une oreille collée au Peuple… »
- Celle du père Carlos, un jeune franciscain, qui se savait particulièrement menacé, et qui n’hésitait pas à dire : « Vous pouvez me faire taire, vous ne pourrez pas faire taire l’Évangile !… »
- Celle du père Gabriel Longueville, un prêtre ardéchois, envoyé comme le père d’Alteroche et le père Joseph Clavel en tant que prêtres Fidei donum.
Lorsque la police est venue arrêter le père Carlos, le père Longueville s’est levé et a dit ce simple mot « Je t’accompagne !… ». Il savait parfaitement ce qui attendait son confrère et ne voulait pas le laisser seul à ce moment-là. Ni l’un, ni l’autre ne sont revenus vivants du commissariat. - Celle de ce père de famille, Venceslas, qui avait exercé une grande responsabilité dans le diocèse auprès de ses frères « campesinos ».
A la nuit tombée, des hommes se sont présentés à son domicile. Venceslas leur a ouvert, malgré les craintes de sa femme qui ne voulait pas le laisser ouvrir. La porte à peine ouverte, il a été criblé de balles et a eu le temps de murmure ces simples mots à sa femme, comme un testament : « n’ayez pas de haine !… »
Un tel témoignage se passe de commentaire. Nous retiendrons aussi les deux questions posées par le père d’Alteroche, comme une invitation à actualiser dans nos vies de consacrés, ce « programme de vie » : - Ces quatre phrases nous interpellent-elles dans le contexte actuel de la société et de l’église ?
- En quoi et comment notre Eglise peut-elle être source d’espérance et de vie ?
Nous avons échangé brièvement, en petits groupes, à la suite de ce témoignage si fort. Nul doute que ces questions vont résonner encore longtemps dans nos cœurs et nous interpeller.
Le père d’Alteroche et le père Joseph Clavel, eux aussi menacés, ont échappé au même sort, grâce à un militaire, au courant de ce qui se préparait, et qui les a fait partir, de nuit, pour passer la frontière, avant l’arrivée des « escadrons de la mort ».
De retour en France, ils ont rencontré le P. Louis Dalle, administrateur apostolique du diocèse d’Ayaviri, dans les Andes péruviennes, qui les a invités à se joindre à lui, et ils continué leur mission au Pérou. Le père Josep Clavel y est encore, aumônier de la plus grande prison d’Amérique latine (10 000 prisonniers) à Lima.
Après le repas pris en commun, avec ce que chaque paroisse avait apporté, nous avons poursuivi l’échange avec le père d’Alteroche, qui nous a parlé davantage de son ministère au Pérou, auprès des descendants des Incas, ce peuple de Quechuas et d’Aymaras (les deux dialectes parlés dans les Andes péruviennes).
En écho au Concile Vatican II, qui proclamait haut et fort, dans la constitution pastorale Gaudium et spes :
« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » GS N°1
Le père d’Alteroche, qui a succédé au père Louis Dalle, comme administrateur apostolique du diocèse d’Ayaviri a travaillé, dans un contexte difficile, en raison d’un climat de violence dû à l’émergence d’un mouvement de guérilla, le « Sentier Lumineux », qui semait la terreur et a massacré de nombreux péruviens durant une vingtaine d’années.
C’est dire que l’axe de sa vie sacerdotale et celle des quatre autres évêques des Andes, était centrée sur la défense de la VIE.
La VIE pour les Andins se résumait aux « trois T » : un toit, une terre, un travail pour pouvoir vivre ou survivre. C’est pourquoi les évêques andins se sont appliqués à s’unir pour une pastorale d’ensemble et prendre la défense de ce « peuple sans terre », dénoncer le climat de haine gratuite du « Sentier Lumineux ». Ce serait trop long de détailler ici le combat qu’ils ont mené et mènent encore.
Mais ce combat pour la vie est toujours d’actualité dans notre monde aujourd’hui. La VIE est en danger, même si notre pays est en paix, la course à l’armement pèse lourdement sur l’avenir de l’homme.
Partout, la vie est dévalorisée, attaquée, détruite. Il faut continuer à se battre pour que la vie humaine soit respectée, dans un monde qui court à sa propre destruction.
Le Synode sur l’Amazonie, nous le rappelait récemment. Défendre la forêt, c’est défendre l’avenir des populations qui y vivent et l’avenir de la planète tout court.
L’option préférentielle pour les plus pauvres est une exigence évangélique dont nous sommes tous et toutes conscients. Il nous est bon d’entendre une parole forte nous le rappeler !
Alors MERCI, père d’Alteroche, de nous avoir « réveillés » !
Après ce temps fort, cette journée ne pouvait que se conclure dans l’action de grâces de l’Eucharistie et la supplication pour le monde.
Marguerite Portal