Église catholique en Lozère
06 mai 2024 |

Les 60 ans du diaconat permanent

« Être diacre ce n’est pas pour moi ! »

 

En lisant un jour de 1987 la première épitre de Paul à Timothée et plus précisément le chapitre 3 où il est question des diacres, je me faisais la réflexion « être diacre ce n’est pas pour moi »

Pourtant quand en 1992, le père René BOIRAL, alors curé de Langogne, me sollicitait pour réfléchir au diaconat, je ne disais pas non. La Parole avait sans doute fait son « travail ». En septembre 1992, nous étions huit hommes mariés avec nos épouses à prendre le temps du discernement, deux années au bout desquelles dans une grande liberté, nous avons ensemble avec Claudine décidé d’aller plus loin et de nous former.

Après trois années de formation, j’ai été ordonné le 7 juin 1997 par Mgr Paul BERTRAND.

Depuis cette date, j’ai toujours en mémoire le premier paragraphe de ma lettre de mission : « Nous attendons de vous et de Claudine le témoignage d’une vie familiale qui annonce l’Évangile par le respect mutuel et l’amour partagé. » Et sa condition sine qua non « Cette mission requiert, de votre part, une union étroite avec Notre Seigneur et une attention sans cesse renouvelée à son travail dans le monde »

A cette époque, nous habitions près de Langogne et je travaillais au barrage de Naussac.

La cinquantaine arrivant, je me posais la question de la suite de ma vie professionnelle. « Tu peux rester travailler au barrage … mais qu’est-ce que tu aimerais faire ? »  Accompagner des personnes âgées ?  Voilà que ce désir monte en moi. Je me suis longtemps posé la question de savoir si c’est le Seigneur qui vient déposer dans notre cœur le désir où s’il vient rejoindre notre désir. Certainement un peu les deux. Ce qui est sûr qu’Il avait préparé le terrain de longue date. Je me souvenais avec émotion de la joie que me procuraient mes visites à l’hospice voisin de mon école alors que j’étais adolescent.

Alors, je posais la question à Claudine et à mes enfants « est-ce que vous pensez que je pourrais m’occuper de personnes âgées ? Tous avaient la même réponse « oui, on t’y voit bien ».

C’est ainsi qu’à la fin de l’été 2002, Monseigneur LEGAL me proposait la direction de la Villa Saint Jean.

« Votre mission se situe donc maintenant dans cette diaconie auprès des personnes en fin de vie, proximité inspirée par l’Évangile. Professionnellement vous êtes Directeur de la Villa Saint Jean, avec toutes les responsabilités liées à cette fonction. Il n’est pas nécessaire d’être diacre pour l’exercer, mais il est évident que votre état de « serviteur » ordonné, signe vivant du Christ Serviteur dans l’Église Servante, la colore et l’enrichit. Après votre famille, votre lieu de mission sera cette Villa…. »

En septembre 2002, je prenais la Direction de la Villa Saint Jean. Quelle joie tous les matins que d’arriver dans cette Villa. Quelle joie que de consacrer son temps et son énergie pour prendre soin des personnes qui m’étaient confiées. Prendre soin des collaborateurs, des soignants et surtout des personnes âgées avec une attention toute particulière pour mes frères prêtres ; mais aussi gérer, piloter, manager, j’avais beaucoup à apprendre. Tous les matins, je confiais à l’Esprit Saint toutes ces personnes, toutes ces tâches et Il m’apprenait à être « signe vivant du Christ Serviteur »

A la Villa Saint Jean, ma mission diaconale prenait toute sa dimension. Je mesurais, en accompagnant toutes ces personnes en fin de vie combien le diaconat est un « sacrement ». J’agissais au nom du Christ. J’étais en mission spéciale pour ces personnes âgées et pour leur famille.

Heureusement, j’avais la chance d’être entouré par une belle équipe très professionnelle et bienveillante qui ne comptait pas son temps et avec laquelle j’avais plaisir à partager le café et les petits gâteaux tous les matins ou presque.

Mais les fins de vie sont parfois difficiles quand la maladie est là avec son lot de souffrance. Ensemble équipe de soignants, médecins, famille, équipe mobile de soins palliatifs nous faisions tout pour accompagner jusqu’au bout et éviter toute souffrance inutile. Encore aujourd’hui je suis reconnaissant et remercie l’équipe mobile de soins palliatifs de l’hôpital de Mende. Quelle compétence et humanité !

Et puis l’âge de la retraite est arrivé. Il me fallait abandonner la Villa Saint Jean, apprendre à vivre en retraité et profiter de la retraite et recevoir d’autres missions sans oublier ma famille.

Pour les missions, Monseigneur JACOLIN ne m’oubliait pas et elles ont été nombreuses !

Parmi elles, les deux qui m’ont le plus marqué et apporté : la mission de responsable des ressources humaines du diocèse et la mission de Président de l’association CIVAP.

Pour apprendre à vivre en retraité, j’ai eu la chance de faire une belle retraite de trente jours en silence les exercices de Saint Ignace. Pour notre couple, nous sommes partis trois mois dans une chartreuse en Espagne avec notre communauté du Chemin Neuf pour un beau temps de ressourcement et de discernement.

Puis le temps passe, les décès familiaux se succèdent, la vieillesse arrive doucement avec ses problèmes de santé, avec ses renoncements mais aussi avec de belles rencontres qui sont l’occasion de dire mon espérance, ma foi en Jésus ressuscité « qui m’aime et qui me donne chaque jour ce dont j’ai besoin pour vivre ce que j’ai à vivre »

— Dominque LAMOUREUX, diacre du diocèse de Mende

« Parcours d’une femme de diacre »

 

Mon cheminement vers le diaconat avec Dominique est très simple.

A une époque nous avions pris l’un et l’autre et ensemble, beaucoup d’engagements et nous étions très pris avec nos cinq enfants petits

Une année, à la rentrée scolaire, nous avons décidé de tout arrêter pour faire le point, prier et discerner ce que souhaitait le Seigneur pour nous. Nous savions bien que son projet d’amour pour notre couple était forcement le meilleur.

Au cours d’une de nos prières en couple, nous avons lu, au hasard dans la bible, le passage qui parle des qualités du diacre (1 Timothée 3, 8 13). Nous ne savions absolument pas ce qu’’était un diacre, et nous avons pensé que ce texte était étrange. Cependant, comme Marie, je gardais toutes ces choses dans mon cœur… Ce temps de « désert » me paraissait long, toutes les activités paroissiales se mettaient en place sans moi, sans nous.

C’est à ce moment là que nous avons reçu une lettre de FDL (Formation Diocésaine des Laïcs) à Mende nous invitant à trois années de formation pour devenir « Agent Pastoral ». Nous avons dit oui.

C’est à la fin de cette formation que le prêtre de notre paroisse de Langogne a demandé à Dominique de réfléchir avec moi au diaconat permanent. Le père Francis Bestion est venu à la maison nous parler et nous donner des revues à lire sur ce sujet.

Depuis plusieurs années nous étions engagés avec la Communauté du Chemin Neuf dans les sessions pour couples, les sessions CANA. C’était le seul engagement que nous avions gardé comme étant notre « lieu source ». C’est là qu’est né mon attachement au Christ et mon amour de l’Eglise. C’est là que le Seigneur a commencé à construire mon unité intérieure. C’est le lieu de l’unité retrouvé de notre couple, de notre famille, et la naissance de mon désir d’unité dans l’Eglise, à l’école de Saint Ignace.

Ainsi, grâce aux lectures, aux témoignages des diacres et de leurs épouses engagées dans la Communautés du Chemin Neuf et la relecture du texte de Timothée il m’est apparu comme évident que cet appel au diaconat permanent pour Dominique et par voie de conséquence pour notre couple, était la réponse de Dieu à notre prière. C’était clair pour moi et je ne me suis jamais reposée la question de savoir si j’acceptais ou pas cette voie.  Le jour de l’ordination j’ai dit Oui à Dieu par l’intermédiaire du Père Evêque en me souvenant que nous avions consacré notre couple à Marie le jour de nos fiançailles. Jésus a dit « Je suis le chemin, la vérité et la vie » j’y ai cru et je ne le regrette pas.

Cela fait neuf ans que j’ai comme époux un ministre ordonné ! et je le vis très bien. Le sacrement de l’ordre est comme celui du mariage. Il ne change rien et il change tout, rien en apparence, tout car Dieu s’est engagé à se donner à nous tous les jours. Je peux m’appuyer sur Lui et compter sur son Esprit. Le sacrement de l’ordre pour Dominique a renouvelé notre sacrement de mariage, et ma vocation de baptisé (témoigner de ma foi, célébrer Dieu qui se donne, servir mes frères dans le Christ) Pour cela les années de formation diaconale m’ont aidée.

Mon rôle de femme de diacre se résume à celui de tout baptisé. Les différents services rendus au sein de la communauté des chrétiens ne sont pour moi, rien d’autre que cela. Je ne me sens pas d’autres obligations. Auprès de Dominique je vois mon rôle comme celle qui accompagne son mari sur le chemin où Dieu nous conduit, « un compagnonnage à trois. »

Ce que j’apprécie particulièrement, c’est la possibilité de vivre la fraternité avec l’équipe des prêtres, les autres diacres du diocèse et leurs épouses (partage, repas, prière) Cette fraternité parfois difficile du fait de nos différences est, je pense, prophétique. Elle est signe de la présence de Dieu dans notre monde, comme toute vie fraternelle et communautaire. Je suis heureuse d’apporter ma pierre à la construction d’un monde où Dieu peut agir afin que soit exaucée la prière de Jésus « qu’ils soient un pour que le monde croie que Tu m’as envoyé »

Et voilà 24 ans maintenant que je vis avec un ministre ordonné !

Aujourd’hui je redis à peu près la même chose. Le temps a passé. Nous avons déménagé, connu d’autres équipes de prêtres, une nouvelle équipe de diacres et leurs épouses, j’ai eu d’autres engagements paroissiaux et diocésains. Les enfants sont partis. Quatre sur cinq se sont mariés et nous attendons notre douzième petit enfant. La retraite est venue pour chacun de nous. Sommes-nous donc plus libres pour différentes missions ? Je ne pense pas. Le sacrement de mariage reste le premier des engagements : Prendre soin de son couple et de sa famille est la priorité. Nous sentons que notre première mission, encore plus qu’avant, c’est notre famille. Nos jeunes couples ont des vies stressantes et peu de temps en couple pour se poser et fortifier leur amour. Garder nos petits enfants pour les soulager c’est une belle mission « diaconale ». Ce n’est pas la plus facile car c’est épuisant !  Nos forces diminuent et nos corps crient stop ! Il est important pour nous de pouvoir se resourcer. Il est vital de prendre des temps de prière personnelle et en couple, de vivre des retraites spirituelles, de prendre le temps de partager avec nos amis de longue date et de visiter nos parents très âgés ainsi que de prendre du temps pour se détendre… 

Le père Evêque confie différentes missions à Dominique, missions qui n’ont pas forcément à être connues de tous et auxquelles je ne suis pas associée.  En couple il faut sans arrêt se réajuster, faire des choix, surtout à la retraite, demander à L’Esprit Saint de nous montrer les priorités et elles ne sont pas toujours comprises par les prêtres et les laïcs qui verraient bien le diacre à plein temps au service de l’Eglise locale. Je sens que c’est difficile aussi pour eux car la place du diacre n’est pas encore bien comprise et ce n’est pas facile pour moi également.

Que l’Esprit de Pentecôte déverse une pluie de grâces sur notre Eglise de Lozère et sur les futurs diacres et leurs familles afin que leurs vies soient un vrai témoignage de l’amour de Dieu pour chacun de ceux qui leur sont confiés.

Trois ans ont passé et je reprends le stylo à l’occasion des 60 ans du diaconat permanent.

Il y a eu de nombreux décès dans nos deux familles et des couples en difficultés. Des ennuis de santé se sont succédés pour l’un et l’autre nous obligeant à vivre autrement. J’ai mesuré combien il m’est difficile de garder la foi, l’espérance et la joie. Heureusement dans le diaconat, le couple reste premier et Dominique a su et a pu abandonner ses missions afin d’être présent à mes côtés. Je lui suis reconnaissante et notre amour, parfois mis à l’épreuve, s’est renforcé. Je pense que la grâce du sacrement de mariage (« Je te reçois et je me donne à toi pour t’aimer fidèlement tout au long de notre vie ») et celle du diaconat devient vraiment effective.

Je souhaite à tous les couples dont l’époux est diacre de rester unis afin d’être un reflet de l’amour de Dieu qui donne la vie.

— Claudine LAMOUREUX, femme de diacre