Église catholique en Lozère
18 septembre 2025 |

Le Moyen-Orient, un foyer de tensions

Le 1er septembre, l’Oeuvre d’Orient a un nouveau secrétaire-général, le père Hugues de Woillemont. Il succède au père Pascal Gollnisch qui fut durant 15 années à la tête de l’organisation d’aide aux communautés chrétiennes orientales. Mgr Gollnisch se retourne sur ces denses années, vécues au plus près de ces chrétiens. Des années tourmentées mais aussi marquées par l’espérance. Il nous offre une autre parole sur la situation actuelle.

Le Moyen-Orient est une caisse de résonance des tensions du monde entier”

Réponses à deux questions :

Quel bilan tirez-vous de ces quinze années de perpétuels changements au Moyen-Orient?

Ce Moyen-Orient est un peu désespérant, parce qu’on a l’impression de crises à répétition et que la population continue à souffrir sans parvenir à pouvoir prendre son destin en main. Ce qui m’a frappé durant ces quinze années, c’était après le synode à Rome sur les chrétiens du Moyen-Orient (en 2010, ndlr), il y a eu très vite l’attentat dans la cathédrale syriaque catholique de Bagdad puis, peu après, l’attentat dans la cathédrale orthodoxe d’Alexandrie. Donc, très vite après ce synode qui avait été tout de même un moment de rencontre, de communion, d’espérance et de perspectives, pour lequel le Pape Benoît XVI s’était beaucoup engagé, il y a eu ces drames. Ensuite, ça a été les mouvements du Printemps arabe qui ont été une vraie espérance. Par exemple, au Caire, il y avait eu une fraternisation entre les jeunes musulmans et les jeunes chrétiens. Ces espoirs n’ont pas été suffisamment couronnés de succès, même s’ils n’ont pas été inutiles, loin de là.

Durant toutes ces années, vous avez sillonné le Proche et le Moyen-Orient. Qu’avez-vous appris de ces communautés chrétiennes?

C’est toujours un peu un étonnement pour un latin, de faire l’expérience que l’Église catholique est composée de diverses Églises particulières et que l’Église latine n’est jamais que l’une de ces Églises particulières catholiques. Elles sont en communion avec le Pape, avec l’évêque de Rome, mais chaque Église a ses traditions, ses rites, son autorité propre. Dans une église orientale, il y a un synode des évêques, il y a une autorité avec un patriarche, Rome respectant ces autorités propres. Une deuxième chose est de voir comment le dialogue œcuménique fonctionne concrètement, parfois davantage au niveau des fidèles qu’au niveau des hiérarchies. Ensuite, j’ai découvert la richesse du dialogue interreligieux, qui est essentiellement au Moyen-Orient le dialogue avec les musulmans, même s’il y a aussi la question des fidèles juifs. Cette question des musulmans est une question extrêmement complexe et large. Parfois nous autres, en Europe, en France, nous risquons de la simplifier pour la caricaturer, soit pour dire que ça n’y a aucun problème avec les musulmans, ce qui n’est pas vrai, soit pour dire qu’il y a des tas de problèmes et qu’il n’y a que des problèmes avec les musulmans, ce qui n’est pas vrai non plus. C’est une question complexe, en particulier l’islam sunnite et ses différentes mouvances. Il n’y a pas une autorité unique et par conséquent, il faut apprendre la complexité de l’islam. C’est une grande leçon et aussi une grande richesse parce que, dans cette complexité, vous voyez aussi des courants spirituels, mystiques qui sont tout à fait remarquables.

Il y a ensuite la question monde politique, il est sous tension, mais parce que nous devons bien comprendre que le Moyen-Orient est un carrefour et que par conséquent, tout le monde veut essayer de se l’approprier. Le Moyen-Orient est une caisse de résonance des tensions du monde entier, même si le fait d’être carrefour, c’est aussi ce qui permet une grande richesse de civilisation. On a le sentiment, d’un point de vue chrétien, que la doctrine sociale de l’Église, qui est quand même une sorte de guide, de perspective d’actions des chrétiens est une doctrine qui a beaucoup été élaborée dans un milieu occidental. C’était la fin du XIXᵉ siècle et le début du XXᵉ siècle, c’était les luttes sociales entre le capital et le travail, le problème de l’entreprise. Cette doctrine sociale devrait selon moi être revue, repensée pour les sociétés du Moyen-Orient qui ont peut-être aujourd’hui d’autres questions, d’autres difficultés. Et puisque notre Pape a pris le prénom de Léon, je souhaiterais une grande encyclique de Léon XIV sur la doctrine sociale de l’Église appliquée au Moyen-Orient.

– Extrait d’un article publié sur Vatican News