Sœur Geneviève,
Tu es née le 27 juin 1938, à Masbéral, non loin de Rimeize, 3ème d’une fratrie qui comptera 5 enfants. Le moment venu, c’est à Bigose que tu commences ta scolarité. Avec ton frère et tes sœurs, qu’il pleuve, vente ou neige, tu parcours quatre fois par jour le kilomètre qui sépare l’école de l’exploitation familiale. Le certificat d’étude obtenu, tu rejoins l’école des Ursulines à Serverette. Au programme, cuisine et couture, mais aussi approfondissement des matières générales. Durant cette période, tu reviens dès que possible, avec ta mobylette, à la maison familiale pour seconder tes parents aux tâches ménagères et agricoles. Tu n’hésites pas à inviter l’une ou l’autre de tes compagnes de classe à profiter de ces pauses en famille. Sr Odile Boyer s’en souvient bien, elle qui ne pouvait rejoindre si fréquemment ses parents, du fait de l’éloignement. Tu as aussi beaucoup de plaisir à partir en forêt avec tes sœurs pour chercher des champignons.
Mais une recherche autrement plus profonde habite ton cœur : ta foi est grande, et tu désires t’engager sur le chemin de la vie religieuse. Tu seras guidée sur ce chemin par Sœur Marie de la Trinité Portalier et Sœur Marie Camille Clauzon dont tu parlais avec bienveillance et reconnaissance. A la fin du noviciat à Ispagnac, tu fais profession le 17 septembre 1962. Les sœurs ont repéré tes capacités et t’envoient étudier le commerce à Toulouse. Diplôme en poche, tu arrives à Uzès et tu enseignes ce que tu as appris aux jeunes femmes qui fréquentent le cours ménager et le cours de comptabilité. Sœur Nicole Pare a été parmi tes élèves. L’été, tu animes avec d’autres (dont Sr M. Gérard Hugonnet) la colonie sanitaire de Quézac. En 1972, tu prends la direction de l’école, qui subit dans les années suivantes diverses réorganisations et devient l’école primaire et maternelle mixte Sainte Anne. Là, tu déploies tes talents de femme d’entreprise… Tu resteras 30 ans à la tête de l’établissement, lui donnant un rayonnement certain dans l’Uzège. Pendant cette période, tu seras un moment responsable de la communauté, et lorsque les Ursulines de Lozère auront rejoint l’Union Romaine en 1993 tu participeras au Conseil provincial. Pendant ces années, tu es aussi présidente de l’union familiale d’Ispagnac.
En 2002, tu rejoins Serverette comme prieure de la communauté. De là, tu vas organiser l’entière rénovation de la maison de Chirac, afin que les sœurs puissent y trouver un lieu de vie adapté à leur vieillissement. Tu anticipes déjà ce qui devient aujourd’hui réalité : un habitat partagé entre les sœurs et les laïcs, avec des studios où chacun peut jouir de son indépendance, et des lieux communs qui permettent de se rassembler et de rompre la solitude. A partir de 2011, c’est à Chaldoreilles que tu exerceras tes talents de bâtisseuse. Tu aménages magnifiquement la propriété. Cette maison devient un peu ta maison, jusqu’à y séjourner seule ces dernières années. Tu aimes y recevoir des groupes, des familles, et quelques habitués qui viennent y faire retraite ou se reposer, parmi lesquels, chaque été, les jeunes jésuites du mois Arrupe, venus du monde entier. En ce lieu, chacun peut se sentir chez lui. Car, si tu es une femme d’entreprise, j’oserai même dire, une femme d’affaire (et de ce point de vue, pas toujours facile), tu es aussi une femme au grand cœur, et tu sais faire plaisir, très simplement et même avec délicatesse.
En écrivant ces quelques lignes, je me suis dit que tu étais bien de ton pays… un caractère bien trempé, une austérité certaine, parfois une certaine rugosité, mais aussi de la stabilité, de la profondeur qui ne se dévoile pas facilement et une belle générosité.
Il y a un an et demi, une grande fatigue s’est installée et avec elle la maladie. Tu as fait face avec courage. Selon ton habitude, tu as organisé ce qui devait l’être, et en même temps, tu es entrée dans un abandon de plus en plus grand. J’ai été impressionnée par la paix dont tu as témoigné dans ce passage entre l’intense activité et l’immobilisation quasi-totale de ces derniers mois. Aux Tilleuls à Marvejols, chez nos sœurs de Malet, puis à l’EHPAD d’Aumont, le personnel a été marqué par ton courage, ton abandon et ta gentillesse. Ton état de santé s’est dégradé rapidement dans les jours qui ont suivi le décès de Sr Jean Baptiste Prieur il a tout juste un mois. Tu étais confiante qu’elle viendrait te chercher. A quelques jours de Noël, le Christ est venu prendre chair en toi pour l’éternité.
Sœur Marie Pierre
Communauté des Ursulines de Chirac