Le 17 février 2021, le père Robert Gévaudan, de la congrégation du Saint-Esprit, est décédé à Chevilly (94), à l’âge de 94 ans.
Robert Gévaudan est né le 8 novembre 1926 en Lozère, à Saint-Symphorien (48).
Profès : 8 septembre 1946 à Cellule
Prêtre : 4 octobre 1952 à Chevilly
Ses affectations :
CONGO Br. : Brazzaville
1953-1954 : vicaire à Sainte-Anne
1954-1955 : vicaire à Ouenzé
1955-1961 : vicaire à Sainte-Anne
Mongali
1961-1972 : curé au Saint-Esprit
FRANCE : Maison Mère
1972-73 : recyclage)
CONGO Br. : Linzolo
1973-1986 : curé
FRANCE : Lille
1986-1990 : animation missionnaire, supérieur de communauté)
CONGO B. : Pointe-Noire
1990-2009 : formation pastorale au niveau diocésain
FRANCE : Lille
2009-2016 : ministères divers
Chevilly
2016-2021 : retraite
Ses obsèques ont été célébrées le mardi 23 février 2021 à Chevilly.
Témoignages
Apprendre à bien vieillir
C’est l’aventure d’une vie. Chacun souvent s’est demandé : mais qu’est ce que Dieu attend de moi ? Qu’est ce qu’il me dit-il à travers tel événement ? Et puis à quoi sert ma vie ?
J’ai vu comment un missionnaire Spiritain, originaire de l’Herm de Saint Symphorien a fait jusque là. Il a vécu plus de cinquante ans au Congo, disponible, heureux ! Sur ses 80 ans, il rentre en France, et demande comme mission un service pastoral dans une paroisse.
Mais pourquoi ? « Parce que j’ai fait cela toute ma vie, et que je sais le faire ». Durand six ans à Lille , les jeunes Spiritains surtout africains lui disent : mais pourquoi, tu te donnes tant de mal à ton âge ? « Mais parce que j’ai encore la force ».
Quelques années plus tard, Robert Gévaudan 90 ans, fait le discernement suivant : « Désormais, je ne peux plus monter les escaliers. Il me reste à rejoindre la Maison de Retraite ». C’est ce qu’il dit à son responsable de communauté.
Et le voilà à Chevilly-Larue en 2016. Et Robert, que deviens-tu ? Que fais-tu donc là bas ? « Mais je découvre Jésus Christ, comme je ne l’ai encore jamais fait ». La vie lui révèle toujours des inconnus. Et elle vaut le coup. Essayons alors à notre tour, même si nous n’avons pas encore 90 ans.
Père Pierre Loubier – Spiritain
Sa vie de missionnaire
Témoignage de Joseph Mermier :
« Je suis arrivé à Linzolo, au Congo, fin 1969. En 1973, j’étais encore tout neuf quand Robert est venu se joindre à moi. J’étais bien content, car sa réputation était très bonne et je n’avais entendu à son sujet que de bonnes choses. C’est avec lui que j’ai eu vraiment ma première expérience communautaire. On partait en tournée chacun de son côté, mais quand on se retrouvait, nous partagions notre travail : je savais ce qu’il avait fait et vice versa. Ce bonheur avec lui dura jusqu’en 1978. Je l’ai alors quitté pour une autre paroisse à 150 km plus loin, où j’entendais encore parler de lui.
Il m’est arrivé plusieurs fois d’aller avec lui à Brazzaville pour un peu de détente. Surprise, plusieurs fois, alors qu’on roulait dans sa petite Fiat, j’entendais « Gévaudan ! » crié à haute voix par quelqu’un dans la rue. Il s‘arrêtait alors : c’était une connaissance, toute heureuse de le trouver sur sa route : il lui demandait alors les dernières nouvelles, soit en Lingala, soit en Lari ; et alors, la personne en question lui donnait un billet de 1 000 francs, pendant qu’il embrayait. Il avait une mémoire phénoménale, et j’en étais même jaloux. Avant d’arriver à Linzolo, il avait eu le temps d’apprendre deux langues.
Il avait d’abord travaillé à Brazzaville même, dans le secteur nord de la ville, à Sainte-Anne, puis à Ouenzé : là, il apprit le Lingala, la langue du Nord. Nommé ensuite à la paroisse de Moungali, toujours à Brazzaville, il s’était retrouvé avec des gens du Sud : il dut apprendre le Lari, qu’il parlait beaucoup mieux que moi. Lorsqu’il s’est retrouvé avec moi à Linzolo, en 1973, il quittait donc la ville pour la « brousse ».
On l’appréciait beaucoup : il savait écouter et il ne perdait rien de ce qu’il apprenait. Sa mémoire lui permettait de reconnaître sans erreur ses vieilles connaissances : une fois, dans un village, en ma présence, deux jeunes viennent lui dire bonjour : il les reconnaît immédiatement : « Vous deux, vous êtes les enfants d’un tel et d’une telle ». La dernière fois qu’il les avait vus c’était dans leur petite enfance. Tout le monde l’aimait.
Une fois à Chevilly, il passait une partie de son temps au téléphone pour parler avec ceux qui s’étaient habitués à lui. Je sais que quelques jours avant son départ, il a téléphoné, à un de ses amis pour lui annoncer “qu’il allait partir et qu’il continuerait de prier pour lui dans l’autre monde”. »
Arrivée à Lille
Michel Protain témoigne que Robert Gévaudan a tout naturellement continué à être en France le missionnaire et l’homme intérieur qu’il avait toujours été :
« Robert Gévaudan arrive à Lille en 2009. On aurait pu imaginer pour lui les pires difficultés à réintégrer la société française après plus de 50 ans au Congo-Brazza. Il n’en fut rien.
Montrant une capacité d’adaptation étonnante, il offrit aux jeunes en formation, mais aussi à nous les formateurs, le témoignage d’une vocation rayonnante. Ses longues marches quotidiennes attestaient d’une grande énergie physique, couplée à une grande soif d’absolu. Sa seule présence, à la fois douce et joyeuse, nous a marqués durablement. Et tout cela, sans effort apparent !
Les gens à l’extérieur de la communauté – il avait l’amitié fidèle – ne s’y trompaient pas : beaucoup venaient trouver chez lui une oreille bienveillante et une parole pour la route. À Saint-Maurice-Ville où il tenait des permanences de confession, il excellait dans l’art de détendre le trop rigide, d’apaiser l’angoissé, d’encourager le découragé.
Quand je devais parfois le remplacer pendant ses absences, certains ne cachaient pas leur déception de ne pas trouver Robert au rendez-vous. Il ira aussi chaque semaine, en bus, à Haubourdin, pour visiter les Clarisses, et beaucoup de malades bénéficièrent de son attention. Un jour, sa marche se fit plus difficile. Il demanda alors de lui-même à rejoindre Chevilly. Il va alors quitter Lille comme il était arrivé : libre et en paix. »
Témoignage de Mathieu Boulanger, du postulat qu’il a vécu à Lille avec Robert Gévaudan :
« Je viens d’apprendre la mort de Robert, et c’est ce qui me décide à écrire ces quelques mots . Le fait que les confrères décédés soient très âgés et qu’ils aient eu une vie bien remplie ne rend pas l’épreuve moins douloureuse. Je n’ai pas pu retenir mes larmes. Robert a été pour moi un roc, une source, un soutien indéfectible quand j’étais au postulat à Lille. Il m’a beaucoup inspiré. C’est quelqu’un qui respirait l’évangile de tout son être. »
Emmanuel Meaudre, de la Maison-mère, à la parole rare mais où tout est dit, résume en une phrase ce qu’il a connu de Robert Gévaudan :
« C’était un homme humble et plein d’attention pour les autres. »